From Gaza, with Love

Sunday, July 30, 2006

la version française du Boston Globe Article

Depuis l’enlèvement de Gilad Shalit, le soldat israélien, la Bande de Gaza a été soumise à une opération militaire de grande envergure, connue en Israël sous le nom de « Pluie d’été » (Summer Rain). Puisque Israël a bombardé notre unique centrale électrique, et puisqu’il faut de l’électricité pour pomper l’eau, la majeure partie de Gaza n’a plus accès à l’eau potable. Dans la chaleur de notre été, de la vraie pluie serait pour nous un cadeau du ciel.

Pour le monde extérieur, la décision peut sembler facile pour les Palestiniens : laissez partir le soldat et le siège va se terminer. Pourtant, pour nous les habitants de Gaza, même confrontés à cette violence extrême, une autre décision s’impose – pas avec facilité, mais avec détermination. Shalit est un soldat, qui a été capturé dans le cadre d’une opération militaire. Aujourd’hui, 122 femmes et 400 enfants palestiniens sont détenus dans les prisons israéliennes. Ils ont droit à leur liberté tout autant que Shalit. Leurs familles ressentent la douleur de leur absence, tout autant que la famille de Shalit. Ainsi, alors que nous subissons la « Pluie d’été » d’Israël, la plupart des gens de Gaza veulent que le soldat reste détenu – pas blessé, seulement détenu – jusqu’à ce que nos femmes et nos enfants soient libérés.

Nous allons payer le prix fort, et ce pendant longtemps après que les bombes se soient tues. Je commence déjà à perdre la notion des jours et des nuits, à compter les bombes qui sont tombées. Depuis que la centrale électrique a été détruite, nous devons vivre sans électricité. Celle que nous réussissons à obtenir est aléatoire, une heure ou deux au plus, juste assez pour recharger nos ordinateurs portatifs et nos cellulaires qui nous permettent de ne pas perdre complètement le contact entre nous et avec le monde extérieur.

En tant que médecin, j’ai peur pour les hôpitaux, pour nos patients. Vingt-deux hôpitaux n’ont plus aucune électricité. Ils doivent fonctionner uniquement avec des génératrices – mais les génératrices fonctionnent avec du combustible, et nos réserves de combustible sont dangereusement basses. Nous en avons assez seulement pour quelques jours de plus. Mais nos frontières sont fermées hermétiquement, et aucun combustible ne peut entrer dans notre territoire. Des centaines de chirurgies ont été reportées. Les vies des patients qui dépendent de machines, des enfants aux soins intensifs, des patients en dialyse rénale et de bien d’autres sont menacées par le manque d’électricité. Nos pharmacies étaient déjà presque vides à cause de la fermeture des frontières et des sanctions économiques qu’on nous a infligées. Le peu qu’il restait a été perdu parce que les médicaments devaient rester réfrigérés.

Plus de 30 000 enfants souffrent de malnutrition aujourd’hui, et ce nombre ne va qu’augmenter alors que la diarrhée se répand à cause de la pénurie d’eau potable et des hauts taux de contamination de la nourriture.

En tant que mère, j’ai peur pour nos enfants. Je peux déjà voir les effets du bruit continu des bombes soniques et des bombardements d’artillerie sur ma fille. Elle a 13 ans et elle est agitée, paniquée. Elle a peur de sortir, mais est frustrée de ne pas pouvoir voir ses ami-es. Lorsque les avions israéliens brisent le mur du son, ce qu’ils dont à toute heure du jour et de la nuit, le son qu’ils produisent est terrifiant. Mon lit tremble énormément. Ma fille saute au lit avec moi, frissonnante de peur. Puis, nous finissons toutes les deux blotties sur le plancher. Mon cœur bat à tout rompre, mais je dois pourtant rassurer ma fille, pour qu’elle se sente en sécurité. Elle a désormais compris que nous devons nous rassurer l’une l’autre. Elle sent ma peur. Lorsque les bombes explosent, je tressaille et je hurle. Je ne peux pas m’en empêcher. Je suis une docteure, un femme d’un certain âge, mature. Mais lors des bombardements soniques, je deviens hystérique. Je ne suis après tout qu’un être humain, et nous avons tous un seuil au-delà duquel la peur et la douleur prennent le dessus.

Cette agression va laisser des cicatrices sur la psychologie de nos enfants pour plusieurs années à venir. Le fait d’instiller la peur, la colère et le deuil dans nos enfants ne va amener ni la paix, ni la sécurité pour Israël.

Plusieurs d’entre nous ici à Gaza pensons que l’opération « Pluie d’été » était planifiée d’avance par Israël, que le kidnapping de Shalit a été utilisé comme prétexte. Israël a attaqué Gaza à peine quelques heures avant la signature d’un accord de consensus national signé par le Fatah et le Hammas, un accord qui aurait pu mener à des négociations entre Palestiniens et Israéliens. Pourtant Israël sait bien que pour que des négociations fonctionnent ils devraient abandonner son désir de garder le contrôle de la terre et des ressources palestiniennes. Nous, à Gaza, pensons que le but de la campagne militaire d’Israël contre nous n’est pas la libération de Shalit. Leur but est de faire tomber notre gouvernement démocratiquement élu et de détruire notre infrastructure, et avec elle notre volonté d’obtenir nos droits nationaux, nos droits sur les petits morceaux de territoire qui nous reste. Même si ne vivons pas avec facilité, nous vivons avec détermination. Jusqu’à ce que le monde force Israël à reconnaître nos droits sur notre territoire et à chercher une paix qui donne à la fois la liberté et la sécurité aux deux peuples, nous allons tous continuer à payer le prix.

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